Entretien[1] avec le Lieutenant Babacar Diop
Sur la côte atlantique du Sénégal, l’histoire de Saint-Louis risque un jour de disparaitre sous la mer. Le changement climatique a commencé à engloutir des maisons et des écoles, et a aussi commencé à affecter les activités économiques de la population. Nous avons discuté avec le Lieutenant Babacar Diop, ingénieur des travaux en management de territoires urbains et expert environnementaliste.
Le changement climatique est en train de mettre en péril la pêche qui représente dans la ville de Saint-Louis une ressource économique fondamentale…
On sait d’abord que le changement climatique se manifeste par une augmentation des températures, une augmentation du niveau de la mer mais aussi une acidification des océans, qui entraine à son tour des modifications des habitats des espèces halieutiques ce qui pourrait réduire les réserves en poisson.
Nous savons tous que la ville de Saint-Louis est une ville où la pêche représente une activité très importante. Déjà au niveau du service de la pêche, il y a actuellement 4477 pirogues qui sont immatriculées et près de 26023 pêcheurs actifs.
Maintenant s’il y a une raréfaction de ces ressources liées à la pêche, c’est quelque chose qui va impacter obligatoirement la vie économique de ces populations en accroissant leur vulnérabilité économique. Nous devons travailler pour faire face à cette réalité préoccupante dès à présent.
Sommes-nous conscients des profondes mutations économiques, sociales et environnementales qui se produisent actuellement dans la région de Saint-Louis ?
C’est vrai que du côté de Saint-Louis, il y a des menaces environnementales notées de part et d’autre, notamment la problématique de l’avancée de la mer que nous pouvons constater ; le problème de la pollution, notamment la prolifération des déchets, en plus de la salinisation.
Pour ce qui est de l’avancée de la mer, il faut noter que l’État est en train de déployer des efforts et il est appuyé à ce niveau par certains partenaires au développement à travers l’aménagement d’ouvrages de protection. À mon avis, à ce niveau, il faudra continuer dans cette dynamique, continuer ce processus pour pouvoir limiter l’avancement de la mer.
Pour ce qui est des déchets plastiques, il faudra mettre en place un système de gestion efficace et durable parce que la gestion des déchets est tout un système qui part de la collecte jusqu’au traitement. Et s’il y a défaillance à un seul niveau, c’est tout le système qui s’écroule. Donc c’est une gestion qu’il faut rendre efficace mais aussi, à ce niveau, nous avons besoin d’accompagner ce processus avec des activités de sensibilisation parce que la population est responsable de la prolifération des déchets. Il faut que la population soit consciente de cette réalité.
Il y a aussi la Langue de Barbarie qui est soumise à des inondations fluviales, comment cela affecte-t-il la population ?
Il y a des inondations qu’on peut noter au niveau de cette zone-là, il faudra rappeler que c’est une zone à forte potentialité touristique, avec plusieurs infrastructures hôtelières. Avec ces inondations, exacerbées par la brèche on a constaté plusieurs démolitions d’hôtels. Pourtant c’est une activité économique très importante pour les communautés locales maintenant. Si ces inondations impactent ces infrastructures, cela signifiera des pertes en emploi et en revenu d’où la nécessité d’agir vraiment à ce niveau.
Y a-t-il une stratégie pour faire face à ces inondations ?
La seule stratégie est de lutter contre les facteurs qui ont entrainés ces inondations : l’avancée de la mer, etc.
Du pétrole a été récemment découvert au large de la ville de Saint-Louis, comment cette découverte impactera-t-il l’environnement ?
La découverte de pétrole et de gaz dans la région de Saint-Louis peut occasionner des impacts sur l’environnement parce que, comme nous le savons, dans l’exploitation de ressources minières offshore, il y aura des études, notamment, des études sismiques. Ces études peuvent entraîner des problèmes de pollution.
Par exemple, lors de l’exploitation, des accidents peuvent se produire et entraîner forcément des pollutions chimiques. Lors des études sismiques aussi il faut prendre en compte l’émission des ondes sismiques pouvant perturber non seulement les migrations de poissons notamment des cétacés, mais aussi, la vie de toutes les espèces marines.
[1] Réalisé par Dr. Beatriz Mesa, internationaliste et politologue, Maître de conférences à l’Université Gaston Berger et chercheure permanente au LASPAD et associée au CGS de l’Université Internationale de Rabat.
